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10 juillet 2012
Exigüité, malbouffe et violence. Mohamed Smaïn, militant et ancien vice‑président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh), a dressé, ce mardi 10 juillet, un portrait sombre des établissements pénitentiaires en Algérie. Il vient de passer dix‑huit jours en prison à Relizane (lire). « On devient des bêtes quand on passe une période en prison dans ce genre de conditions », a‑t‑il affirmé lors d’une conférence de presse tenue à Alger. « La prison algérienne est synonyme de dégradation totale et même d’humiliation », selon lui.
Les détenus entassés pour pouvoir dormir
Mohamed Smaïn est revenu sur les conditions de détention qui prévalent « cinquante ans après l’indépendance » dans les prisons en Algérie, rappelle‑t‑il, avec des détails édifiants. Par manque de place, les détenus dorment quasiment entassés. « La personne ne peut même pas se retourner pour ne pas déranger les autres. Trois ou quatre détenus, ceux qui peuvent supporter, dorment dans les toilettes. On n’a pas le droit d’y aller à partir de minuit pour ne pas les réveiller », raconte‑t‑il. Les conditions d’alimentation sont également mauvaises. « Les gens en prison mangent pour ne pas mourir, c’est tout ! », affirme Mohamed Smaïn.
Le détenu qui proteste est immédiatement "corrigé". Il est mis dans une petite cellule individuelle et sans fenêtre où il est souvent battu avec des objets en caoutchouc pour ne pas laisser de traces, selon lui. « J’entendais des hurlements quand j’étais là‑bas », précise‑t‑il. Mais personne n’ose parler des sévices qu’il subit. « Ils ont peur qu’on les interne une seconde fois », dit Mohamed Smaïn. « Ce ne sont pas les lois de la République qui règnent dans cet établissement mais celles du directeur et de ses gardiens », regrette‑t‑il.
Après avoir été arrêté le 19 juin dernier pour purger sa peine de deux mois, Mohamed Smaïn a été incarcéré à l’annexe de la prison de Relizane. « Cet établissement a été conçu du temps de la colonisation pour une vingtaine de personnes. Il a été réaménagé pour 140 personnes par l’Algérie. Actuellement, il y a plus de 400 détenus », informe‑t‑il. Après s’être plaint des conditions de détention, Mohamed Smaïn a été transféré à la prison centrale de la ville. Son statut de militant des droits de l’Homme lui a, en quelque sorte, donné une certaine protection. « On m’a mis avec deux autres personnes dans une salle de 30 m2 ».
« Les prisonniers sont des détails et même du bétail en Algérie »
Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la Laddh, dresse également un constat sans appel de la situation des droits. « En Algérie, le droit et les droits s’arrêtent aux portes des prison », affirme‑t‑il au cours de la même conférence de presse. « Les prisonniers sont des détails, et excusez‑moi l’expression, du bétail », ajoute‑t‑il. Il donne quelques exemples pour étayer ses propos. Le système carcéral en Algérie lui rappelle les prisons françaises sous le colonialisme. « Il y a les comités d’accueil dans ces prisons, les gardiens de prison qui reçoivent les détenus à l’entrée avec des coups de bâton », dit‑il.
Me Ali Yahia rappelle également l’histoire des vingt‑sept détenus qui devaient être transférés de Tizi Ouzou à Relizane, en 1996. Asphyxiés, ils meurent en cours de route mais aucun responsable n’a été sanctionné, selon lui.
Pour ces deux militants des droits de l’Homme, une refonte du système carcéral en Algérie est plus que nécessaire. Libéré à la faveur de la traditionnelle grâce présidentielle du 5 juillet, Mohamed Smaïn compte bientôt saisir le ministère de la Justice par courrier pour dénoncer tout ce qu’il a vu pendant sa détention.