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13 février 2012
Professeur émérite, ancien doyen de la faculté de droit de l’Université d’Alger et auteur du livre Algérie : un système politique militarisé, Madjid Benchikh donne ici son point de vue sur les prochaines élections législatives prévues pour le 10 mai prochain.
Le gouvernement algérien tente, tant bien que mal, de convaincre l’opinion nationale et internationale du bon déroulement des prochaines élections législatives. Il essaie même de fournir des garanties en invitant des missions d’observation. Qu’en pensez‑vous ?
En Algérie, les dirigeants civils ou militaires ont toujours indiqué qu’ils sont favorables à des élections libres. Le chef d’état‑major a déclaré, à plusieurs reprises lors des grandes élections législatives ou présidentielles, qu’elles seraient libres. Le président de la République aussi. Mais le problème est qu’il s’agit là juste de discours. On constate par la suite que tous les présidents de la République ou chefs d’État ont été désignés en fonction de leur proximité par rapport au système politique actuel. Le discours n’est donc pas suffisant pour garantir la liberté des élections. Je crois qu’il n’y a pas d’éléments qui permettent d’analyser, cette fois, autrement ce discours. La situation actuelle indique au contraire que le gouvernement à tous les atouts et les instruments en main pour que les résultats soient conformes à ses objectifs politiques. Aussi, il faut rappeler que des élections libres et transparentes se préparent sur une longue période avec des forces d’opposition. Alors qu’aucune force d’opposition n’a participé à l’élaboration des réformes, ni à l’actuel mouvement de préparation des élections.
Les bouleversements dans le monde arabe ne peuvent‑ils pas, selon vous, l’acculer à jouer la carte de la transparence, cette fois‑ci ?
Un système politique dans n’importe quel pays ne change que si des forces politiques ou sociales, qui existent dans ce pays, sont de nature à exiger ce changement. Si on prend les systèmes politiques autoritaires, cette affirmation ne connaît pratiquement aucune exception. En Tunisie, on a remarqué que le système politique a changé parce qu’il y a eu de grandes manifestations, qui ont duré longtemps et qui ont dégagé des capacités importantes de coordination ayant obligé Ben Ali et ceux qui le soutenaient à fuir. En Égypte, ces forces ont obligé le conseil militaire à se séparer de son leader, Moubarak. Mais en Algérie, cette dynamique n’existe pas. Nous n’avons pas pu organiser, jusqu’à maintenant, des manifestations populaires. Il n’y a pas eu de coordination aussi.
Je veux dire qu’il n’y a pas de pression suffisante, organisée et durable pour obliger le pouvoir a changer de cap et de perspective. Je crois que les dirigeants ne vont pas décider d’abandonner le pouvoir pour ce qui s’est passé en Tunisie par exemple. Ils peuvent annoncer des réformes et en réaliser certaines. Elles restent des réformes de conservation du système qui montrent les prédispositions et les idées qui règnent au sein du système. On voit bien, à travers les textes de loi adoptés, qu’ils sont très loin d’envisager de quitter le pouvoir ou de le partager avec d’autres.
Des cadres de certains partis ne cessent de mettre en garde le gouvernement contre les conséquences qu’aura la fraude lors des prochaines élections. Comment réagira la population, selon vous, en cas de fraude ?
Ceux qui ont habitués à ses discours avant les élections vont réagir de la même manière. Autrement dit, il est probable qu’une grande partie de la population pensera qu’elle n’a, entre les mains, que l’arme du boycott.
TSA 12-02-2012