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30 octobre 2011
« Projets de textes de loi, un pas vers les réformes ou une consécration du statu quo ? » Tel est le thème d’une conférence-débat organisée, jeudi dernier à Alger, par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (Laddh).
La réponse à cette interrogation est donnée, à l’issue de la rencontre, suite à une analyse, par les conférenciers des principaux projets de textes élaborés dans le cadre des « réformes politiques » promises par le président Bouteflika. Les avis des participants à cette rencontre convergent tous vers une seule conclusion : « Le régime veut consacrer le statu quo. »
Le président de la Laddh, Mostefa Bouchachi, en est même convaincu : « Il n’y a pas de volonté de changement chez le régime algérien »,
déclare-t-il.
Me Bouchachi affirme qu’il n’y a aucune illusion à se faire. « Les nouveaux projets de loi présentés comme étant des textes de réformes politiques consacrent, en réalité, un recul dangereux par rapport aux acquis des Algériens », tranche-t-il.
En se référant aux analyses faites par les conférenciers Amar Belhimeur (journaliste et enseignant à l’université d’Alger), Mohamed Iouanoughen (rédacteur en chef du quotidien Wakt El Djazaïr) et Ali Brahimi (député) sur les différents projets actuellement en débat à l’APN, le président de la Laddh se dit « affligé » : « Le nouveau projet de loi sur l’information ne présente aucune avancée. Même chose pour les projets de loi sur les associations et celui sur les partis politiques. Pour la création d’un journal, d’une association ou d’un parti politique, le dernier mot revient toujours à l’administration. Ce sont des textes qui ne répondent à aucune des attentes de la société algérienne. Même les propositions du CNES sur le mouvement associatif n’ont pas été prises en compte, alors que cet organisme est proche du pouvoir. » Et d’interroger : « Pourquoi les tenants du pouvoir s’entêtent-ils à maintenir le statu quo, même s’ils savent que leur entêtement mettra en danger l’Algérie ? »
« La lutte pacifique doit se poursuivre »
Ce constat renforce la conviction du président de la Laddh quant à la nécessité de la mobilisation et de la poursuite de la lutte pacifique pour la réalisation du changement. « Pourquoi le régime totalitaire algérien accepte-t-il, de son propre gré, de nous donner la démocratie ? Il ne le fera pas sans une mobilisation permanente de la société civile. La dictature est comme un cancer, si on ne le traite pas, il prolifère », lance-t-il. L’examen des projets de loi qui sont actuellement sur le bureau de l’APN renforce le constat fait par Me Bouchachi. Les projets de textes sur les associations et sur les partis politiques consacrent, selon les conférenciers, les pouvoirs de l’administration. Ayant déjà réalisé une étude sur le mouvement associatif en Algérie, Amar Belhimeur soutient que le nouveau projet de loi sur les associations ne répond pas aux attentes de la société civile : « Lors des assises de la société civile organisées par le CNES, cinq aspirations ont été notées.
Parmi elles, il y avait l’élimination de l’agrément et le retour au régime déclaratif pour la création des associations. Il n’en fut rien. Le projet présenté par le ministère de l’Intérieur impose à nouveau l’agrément pour les associations. » Selon lui, le foisonnement d’associations (plus de 80 000) répond à un enjeu qui vise « la théâtralisation de la vie politique ».
Le projet de loi sur l’information, explique pour sa part Mohamed Iouanoughen, « n’a apporté aucune nouveauté ». « Tous les ministres de la Communication que nous avons connus, ne gèrent pas réellement ce secteur. Ils n’ont aucune responsabilité sur les imprimeries publiques, sur la publicité et sur les journaux. Les décisions viennent toujours d’ailleurs », note-t-il.
La création d’une autorité de régulation pour la presse n’a, dit-il, aucun sens : « N’aura un sens que si elle a été créée pour gérer uniquement la publicité », conclut-il.
Le président de Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (Laddh), Mostefa Bouchachi réitère l’appel de son organisation à l’abolition de la peine de mort en Algérie.
S’exprimant lors d’une conférence-débat sur les projets de loi de « réformes politiques », animée hier à Alger, il affirme que malgré la suspension de l’application de cette peine depuis le début des années 1990, les juges continuent de la prononcer. « Des centaines de condamnations à mort sont prononcées annuellement.
C’est une torture quotidienne pour les condamnés », déclare-t-il, précisant que plus de 100 pays au monde ont abrogé cette peine.
Analysant les textes législatifs, Me Bouchachi relève que « pas de moins de 15 articles évoquent la peine de mort ».
« 95% de ces articles condamnent des faits à caractère politique. La peine de mort est donc utilisée pour terroriser l’opposition en Algérie », dénonce-t-il.
Madjid Makedhi
L’Algérie est parmi les rares pays à avoir les moyens et les atouts pour opérer un changement pacifique. Mais encore faut-il fédérer toutes les forces vives qui agissent dans le pays car il est constaté qu’il y a segmentation des luttes et donc aucune pression n’est exercée de l’intérieur sur le pouvoir.
C’est sur ce point, que les participants au Forum des discussions citoyennes, dont Maitre Bouchachi et le président du RAJ et autres avocats et militants, se sont entendus, à l’issue de cette rencontre organisée samedi 29 octobre par la Ligue de défense des droits de l’Homme, à Tizi Ouzou.
Dans ce contexte, Me Bouchachi a affirmé : « Notre démission ou notre silence aide le pouvoir à mettre en application son plan anti-changement. Le régime n’a aucune intention de se reformer mais nous voulons croire qu’il est possible de changer les choses pacifiquement ». Néanmoins, Me Bouchachi reste convaincu que « les tenants du pouvoir, des institutions qui se maintiennent par la force, ne vont pas se laisser faire en élaborant un plan pour avorter toutes initiatives de renouveau visant le changement ».
« Malgré le sacrifice de nos martyrs pour recouvrer notre indépendance, nous évoluons toujours comme des sujets dans un Etat de non droit sous un régime totalitaire, non éclairé en plus », a-t-il soutenu. Revenant sur les reformes engagées par les pouvoirs publics, dont la LADDH n’avait pas pris part, l’orateur a qualifié de « dangereux » les projets de lois qui ont été proposés et qu’à travers cette démarche, « le pouvoir voulait seulement gagner du temps pour arriver aux élections de 2012 ».
Pour sa part, le Président du RAJ, M. Fersaoui a martelé : « La jeunesse a perdu tous ses repères et elle a compris que pour la soutenir, il ne suffit pas d’injecter de l’argent dans des organismes d’aide ou de soutien pour les jeunes. Notre jeunesse aspire à une solution pacifique et démocratique. Mais pour cela, on doit s’organiser et opter pour un travail d’organisation afin de pouvoir rassembler tous les mouvements qui bougent et qui revendiquent le changement ».
Enfin, Maitre Nabila Smail, avocate près la Cour de Tizi Ouzou a entamé sa communication par une déclaration qui s’apparente à un cri de détresse : « La défense va mal. On n’arrive pas à lever la main de l’exécutif sur les magistrats. Il faut libérer la justice ». La juriste qui a qualifié le projet de loi relatif à la profession d’avocat de « loi liberticide » a déclaré pour conclure : « Il faut laisser l’avocat faire son travail et l’exécutif doit arrêter d’interférer dans la mission du juge ».
Nordine Douici
El Watan, 29 octobre 2011