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15 décembre 2011
La loi sur les partis dessine, sans surprise, les contours des réformes engagées par le président Bouteflika. Et en confirme l’objectif : consacrer légalement le statuquo.
Elle est là. Fringante, toute fraiche, relookée, remaquillée. Applaudie par l’Assemblée Nationale et, pourquoi pas, par le sénat. Plébiscitée malgré les jaloux, les récalcitrants et autres traitres de dernière minute, qui ont osé sortir du rang, pour la bouder.
La nouvelle version de la loi sur les partis, pièce maitresse des réformes voulues par le président Abdelaziz Bouteflika, a été votée, à une écrasante majorité, par les députés. Et le reste va suivre. Dans la même veine, la loi sur la presse, celles sur les associations et sur les élections, promettent de constituer un tout homogène, cohérent, ayant une finalité ultime : organiser les choses de manière telle que rien ne bouge. Ni dans un sens, ni dans l’autre. Comme si l’objectif suprême poursuivi par l’Algérie, était d’arrêter la marche de l’histoire.
La nouvelle loi est aussi figée que ses concepteurs. Inutile d’en détailler les dispositions. Elle part d’une idée simple : les partis constituent un danger, une menace pour la stabilité du pays, ou du système, car les deux se confondent. Comment donc apprivoiser ces partis, les maitriser, les contrôler, les manipuler, à défaut de les interdire ? Comment les empêcher de s’organiser de manière indépendante, d’organiser le débat politique, de devenir des alternatives au pouvoir en place ?
En préparant la loi, ses auteurs se sont posés ces questions. Et ils y ont répondu de manière très efficace. Car dans sa lettre et dans son esprit, le nouveau texte met en place un dispositif, tel, que les partis sont condamnés à tourner en rond. Créer un parti, l’organiser, le gérer, le mener aux élections, devient une affaire administrative et financière, pas une affaire politique. Le parti n’est pas une organisation appelée à participer au débat, à la compétition politique et, éventuellement, à accéder au pouvoir, mais une antenne administrative destinée à quémander des strapontins, une rampe de départ pour accéder à la rente.
Le texte ne contient, en fin de compte, aucune surprise. Seuls deux détails méritent d’être relevés. Le premier concerne la mise hors circuit, de manière légale, des anciens dirigeants du FIS et des membres des groupes armés. Il leur est interdit de créer ou de diriger des partis. C’est donc toute une frange de la population qui se trouve privée de ses droits civiques. Cela ressemble fort à une violation de leurs droits, mais certaines sources laissent entendre que cette disposition a été acceptée par les anciens dirigeants des groupes armés, en contrepartie des largesses offertes par la loi sur la concorde, largesses qui ont permis de recycler tous ceux qui ont déposé les armes, qu’ils aient commis des crimes de sang ou non. Le silence des dirigeants de cette mouvance semble confirmer cette thèse.
Le second détail est lié à la défection de Hamas, qui n’a pas voté la loi sur les partis. M. Bougerra Soltani pense que, par cette attitude, il peut atteindre plusieurs objectifs. D’un côté, il sonne la fin de l’alliance présidentielle, qui lui a permis de s’accrocher au pouvoir pendant toutes ces années. Il veut ainsi prendre ses distances envers un attelage absurde, sans aucune accointance idéologique ou politique, maintenu en vie artificiellement par la seule volonté du pouvoir et par la nécessité de s’accrocher à ce même pouvoir.
D’un autre côté, M. Soltani veut s’adresser aux anciens du FIS, dont il veut récupérer la base électorale. Il veut leur montrer qu’il n’est pas contre leur retour sur la scène politique, mais comme cela s’avère impossible, ils peuvent venir chez lui. D’autant plus qu’il affiche désormais des ambitions démesurées : il brigue publiquement la présidence de la république. Si le marocain Abdelilah Benkirane et le tunisien Hamdi Jebali, novices dans l’exercice du pouvoir, ont pu prendre les gouvernements de leurs pays respectifs, et si le libyen Abdeljalil est devenu numéro un dans son pays, pourquoi pas Bouguerra Soltani en Algérie ?
Avec de tels objectifs, M. Soltani peut, tout comme Louisa Hanoun, voter contre la loi sur les partis. Mais cela ne changera guère le cours des choses. La loi consacre un rapport de forces, que le pouvoir veut installer comme définitif. En ce sens, l’Algérie semble faire erreur sur ce point fondamental : les grandes lois, généralement contenues dans des textes organiques, ne reflètent pas une situation conjoncturelle, ni un rapport de forces passager. Elles doivent définir un projet de société, et définir des formes d’organisation qui durent des décennies, voire des siècles.
Ce qui signifie que cette nouvelle loi ne connaitra pas la postérité, mais qu’elle sera révisée dès que la conjoncture aura changé. En attendant, elle permettra au pays d’avoir l’illusion d’une vie politique.
Abed Charef
la Nation du 15-12-2011