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Alors que le flux des migrants ne cesse de s’amplifie : Il n’y a plus de reconduction à la frontière depuis le conflit qui perdure au Mali, selon Abdelmoumène Khelil r :

Le Temps d’Algérie : Quel est le profil des migrants ? De quels pays proviennent-ils ? Combien sont-ils approximativement en Algérie ?

Abdelmoumène Khelil : Nous avons constaté que la population migrante est jeune, qu’elle provient surtout d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest. Parmi ses membres, nous dénombrons de nombreux Maliens, Ivoiriens, Togolais, Camerounais.

Les Congolais, les Erythréens, les Soudanais font l’objet d’une prise en charge du HCR au vu de la crise qui secoue leurs pays. Aussi, la particularité est que l’on assiste de plus en plus à une féminisation de la migration avec une forte proportion de mineurs ou d’enfants qui naissent sur les routes.

Ces personnes vulnérables sont au cœur de nos préoccupations. Concernant les chiffres, on parle de 100 000 migrants, soit 1% de la population, ce qui est un taux faible. Parmi eux, environ 25 à 30 000 sont en situation irrégulière. Néanmoins, je tiens à souligner que ces chiffres sont à prendre avec des pincettes et qu’ils restent à vérifier.

Quelles sont les portes d’entrée vers l’Algérie ?

La majorité des migrants arrivent en Algérie via les frontières du sud du pays. Ils franchissent les frontières algéro-maliennes ou algéro-nigériennes, après, ils se dirigent vers différentes routes dont celle qui mène à Tinzaoutine où ils passent de Tamanrasset à Ouargla puis Ghardaïa avant de rejoindre Alger.

La route vers l’ouest est l’une des plus prisées car elle mène à Maghnia, à la frontière marocaine, puis aux enclaves de Ceuta et Mellila qui sont des portes qui mènent à l’Europe. Néanmoins, je tiens à signaler qu’une étude menée par le réseau euro-méditerranéen a démontré qu’à ce niveau, les migrants sont l’objet d’un cynique jeu de ping-pong entre les autorités marocaines et algériennes qui se renvoient les migrants.

Comment qualifieriez-vous cette migration ?
Ces personnes qui quittent leurs pays tracent généralement la géographie des conflits qui secouent la planète. Ils quittent la mal vie, la misère sociale, l’absence de libertés qui singularisent certains pays africains. Ces jeunes veulent se forger un avenir. Les flux ne tarissent pas car les facteurs inhérents à ce phénomène ne font que s’aggraver et les conflits se multiplier. Il y aura d’ici peu un mouvement de réfugiés centrafricains qui tentera de se diriger vers l’Algérie au vu de la situation qui prévaut dans ce pays.

En outre, je tiens à souligner que 80% des migrants ont déclaré que l’Algérie n’était pas leur pays de destination, mais comme l’accès à l’Europe devient de plus en plus difficile, l’Algérie est devenue un pays de résidence. Ces migrants déclarent y demeurer environ plus de trois ans, le temps de ramasser l’argent nécessaire en vue de continuer le voyage en direction de cette Europe devenue une forteresse. 13% ont toutefois émis le souhait de vouloir rester en Algérie pour s’y construire un avenir.

Vous dites que l’Europe est devenue une forteresse. Peut-on dire que l’Algérie a subi une externalisation du traitement des migrants en contrepartie d’une aide européenne, comme cela fut le cas pour les régimes de Ben Ali et de Khadafi ?

L’Europe a signé des accords dans ce sens avec de nombreux pays de la rive sud de la méditerranée. Ces accords comprennent également la réadmission des migrants. L’Algérie a refusé de signer ces accords car ils signifient que pour toute expulsion de migrants irréguliers, l’Algérie en prendrait la responsabilité car elle est un pays de transit. L’Algérie a une politique qui protège les migrants car le pays est exportateur de ce genre de population (les harraga) qu’elle souhaite protéger.

Combien de centres de rétention peut-on dénombrer sur le territoire ? Combien de reconduites aux frontières avez-vous relevées ?

L’article 37 de la loi du 25 juin 2008 fixant condition d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers a intégré la création de centres d’attente. Néanmoins, actuellement, nous ne disposons d’aucune donnée sur le sujet. On parle d’un centre à In Salah mais aucune information ne circule à ce sujet. Nous ne savons même pas s’il s’agit d’un centre de réfugiés ou de migrants. Concernant les reconduites aux frontières, il faut savoir que depuis la crise qui a secoué le Mali, l’Etat n’a procédé à aucune reconduction qui se tient uniquement côté malien. Cette suspension concerne tous les migrants car les mener en direction des frontières signifie les exposer aux dangers, ce que ne peut acter le pays.

Concernant les associations qui prennent en charge les migrants, il semble qu’un délit de solidarité ait été instauré, les empêchant ainsi de mener leurs actions. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, la nouvelle loi sur les associations rend difficile le travail des quelques associations qui œuvrent à favoriser l’accès aux droits des migrants. Aussi, dans la loi du 25 juin 2008, nous avons relevé un amalgame qui compromet nos activités puisque ce texte ne fait pas la part des choses entre les associations qui apportent une solidarité et les réseaux mafieux qui exploitent les migrants de manière éhontée. On peut parler de délit de solidarité, le gouvernement doit clarifier cette situation.

Maître Meraghni au Temps d’Algérie :

Le Temps d’Algérie : Existe-t-il une juridiction qui tienne compte des différents profils de migrants, à savoir les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants qui ont chacun besoin d’une protection adaptée à leur situation ?

Maître Meraghni : La question des réfugiés mériterait un éclaircissement des autorités car le réfugié se situe dans un état intermédiaire, car tant qu’il détient ce statut qui lui a été octroyé par le HCR, il ne peut pas travailler. Ils seraient au nombre de 1000, surtout des subsahariens. Concernant les syriens, c’est un cas particulier, car ils ne sont pas reconnus officiellement comme réfugiés, mais les autorités tolèrent leur présence. Néanmoins, ils ne peuvent recevoir le statut de réfugiés alors qu’ils ouvre à plus de droits.

En Algérie, il n’y pas de juridiction qui régisse le droit d’asile. Le bureau qui a en charge d’octroyer ce statut fonctionne mal, sans aucune visibilité. Nous avons appris qu’une loi sur l’asile était en préparation depuis deux ans. Nous regrettons de ne pas y avoir été associés car nous estimons que cette loi est la clé du problème, car les réfugiés demeurent dans un état d’assistant alors qu’ils veulent travailler.

L’Algérie ne les reconnaît pas officiellement et même si cela se fait de moins en moins, certains se font arrêter. Il faut un cadre concret pour déterminer les droits des différents profils car l’Algérie ratifie toutes les conventions sans se donner un cadre légal pour prendre en charge toutes les composantes migrantes.

Sabrina Benaoudia
le temps d’Algerie
le 22 12 2013