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16 janvier 2012
Une mission et un rapport pour rien ! Sept mois après sa visite en Algérie en juillet 2011, les recommandations de Raquel Rolnik, rapporteuse spéciale des Nations unies sur le logement, n’ont pas eu d’effets en Algérie. Les autorités algériennes n’ont pas mis en application les recommandations de l’experte onusienne qui auraient pu éviter des émeutes de logement dans de nombreuses localités du pays.
Lire l’article original : Algérie : Ces émeutes qu’on aurait pu éviter si le pouvoir avait écouté Raquel Rolnik | DNA - Dernières nouvelles d’Algérie
Laghouat, Oran, Alger, Aflou, Rassi-Rmel, Sidi Belabes… il ne passe un jour sans que l’Algérie n’enregistre un mouvement de protestation, souvent violent, avec pour origine la distribution des logements sociaux.
Plus que la crise de l’habitat qui perdure depuis des décennies en dépit des multiples programmes de construction lancés à grands frais par le président Bouteflika, les Algériens protestent aujourd’hui davantage contre le favoritisme, la corruption et les passe-droits qui prévalent au sein des commissions chargées d’affecter les logements aux particuliers.
Et c’est précisément l’une des recommandations sur laquelle avait insisté en juillet 2011 Raquel Rolnik lors de son séjour en Algérie : la transparence.
« Il ne suffit pas de publier la liste des bénéficiaires de logements et de permettre par le suite la possibilité de recours, avait-elle affirmé à l’issue de son voyage. Il faut que les citoyens puissent participer durant tout le processus de l’opération avec des critères pour sélectionner les bénéficiaires et déterminer leurs besoins. »
Il faut croire que cette recommandation n’a pas été prise au sérieux par les responsables algériens. Du moins n’a-t-elle pas été mise en application à travers le pays.
Ce qui s’est passé dernièrement à Laghouat, l’une région les plus riches d’Algérie, en apporte la démonstration.
Au cours de la deuxième semaine du mois de janvier 2012, des centaines de personnes organisent des manifestations devant le siège de la wilaya de Laghouat pour protester contre des attributions de logements jugées discriminatoires.
La population accuse les responsables locaux d’avoir accordé ces logements à des individus et à des familles déjà nantis, des bénéficiaires qui semble-t-il ont le bras long.
Arrestations, menaces, passages à tabac, la riposte aura été violente.
Au terme d’une semaine de protesta, le wali est contraint de faire marche arrière. Il ordonne alors l’annulation des attributions et décide que deux représentants de la société civile seront désormais associés dans la commission qui statue sur les attributions de logements sociaux.
Exactement ce qu’avait préconisé la rapporteuse de l’ONU sept mois plutôt.
A quoi bon inviter des experts internationaux en Algérie si au final l’on ne tient pas compte de leurs recommandations ?
La politique de logement en Algérie : le défi de démocratiser et diversifier une politique basée sur l’offre
Pendant sa mission, la Rapporteuse spéciale a pu remarquer que l’important investissement du Gouvernement dans le domaine du logement est complètement focalisé sur la construction de nouvelles unités de logement en fonction de la disponibilité de terrain public et de critères d’éligibilité définis dans les différents programmes qu’il a établis. Les objectifs de nature quantitative ont été établis en absence d’une évaluation préalable des différentes nécessités qui existent dans le pays en matière de logement.
Le gouvernement a ainsi établi une politique qui, mise à part le programme de résorption de l’habitat précaire, n’est pas basée sur les différentes nécessités des personnes mal logées et n’incorpore pas des stratégies spécifiques pour adresser des problèmes et questions de nature différente. Cette approche qui a donc été jusqu’à très récemment de type exclusivement quantitative, a promu un produit unique qui ne répond pas aux différentes nécessités existant.
Cette politique a ainsi abouti à la production de logements et non pas au développement d’un habitat convenable, d’autant plus que le terrain public disponible en zone urbaine est limité et que cela a amené à une énorme dispersion sur le territoire.
Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale exhorte le Gouvernement à procéder à une évaluation des besoins existant en matière de logement et elle l’exhorte à axer ses politiques sur les besoins, avec des programmes plus diversifiés et des politiques d’habitat qui visent à l’intégration de l’espace urbaine.
Dans ce contexte elle encourage les efforts récents de planification urbaine entrepris sur le plan national à travers le schéma national d’aménagement du territoire et des plan locaux tels que le plan directeur d’urbanisme adopté par la wilaya d’Alger, parmi d’autres.
La Rapporteuse spéciale a pu remarquer le manque de participation et de communication/vulgarisation dans la politique de logement promue par le gouvernement, une politique qui reste opaque au citoyen commun. Elle remarque aussi qu’ils restent des efforts à faire en matière de transparence et que les diverses institutions qui participent au processus d’attribution de logements disposent d’un marge de discrétion qui ouvre la voie au clientélisme et à la corruption.
Tout cela selon la Rapporteuse spéciale aurait contribué à créer un climat de soupçon et de manque de confiance de la part de la population dont témoignent les émeutes qui régulièrement explosent suite à l’affichage des listes de personnes auxquelles sont attribués des logements de type social-locatif.
Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale recommande l’établissement de programmes d’outreach et la création d’un fichier unifié national des demandes de logement déposées par la population avec les points attribués et la position de chaque demandeur dans la liste. La classification de toutes les demandes devrait être publiée et rendu accessible, par exemple dans la page web de la commune, daïra ou wilaya.
La Rapporteuse spéciale souhaite aussi souligner le manque de concertation et participation de la société civile dans la définition, application, gestion et suivi des politiques de logement et de planification urbaine.
Dans ce cadre, elle apprécie les efforts récemment entamés par le gouvernement pour être plus à l’écoute de la société civile (par exemple par le moyen de l’organisation des assises de l’urbanisme ou de la tenue des premiers états généraux de la société civile ) et elle exhorte le gouvernement à s’engager dans un réel effort de concertation en ce qui a trait à la définition des politiques de logement et à institutionnaliser des mécanismes permanents de suivi de l’application de ces politiques (cela dans le cadre aussi des reformes annoncées au niveau législatif et notamment en ce qui concerne la loi sur les associations et la représentations des femmes dans les assemblées élues).
Dans ce contexte, elle recommande notamment l’établissement d’un Observatoire autonome de l’Habitat. Elle exhorte aussi le gouvernement à promouvoir, respecter et protéger les droits de toute personne à s’associer et organiser et les droits de défenseurs des droits de l’homme, particulièrement ceux qui sont engagés dans le domaine du droit au logement, et tels qu’ils sont définis dans la Résolution A/RES/53/144 de l’Assemblée Générale (Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnues).
DNA - Dernières nouvelles d’Algérie
le 16-01-2012
Amel Bouzidi