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11 août 2011
La cité Bois de pins à Hydra est sortie de l’anonymat depuis le lancement du projet de construction d’un parking de 12 étages sur son territoire. Pouvez-vous nous expliquer la position des habitants de cette cité ?
Dès que nous avons eu vent du projet de construction d’un parking au niveau de notre cité, nous nous sommes constitués en comité de sages. Nous avons rencontré le président de l’APC de Hydra et le wali délégué de Bir Mourad Rais. Les habitants de Bois des pins nous ont chargés de transmettre leur refus aux autorités de voir un parking prendre la place des arbres.
Nous avons expliqué à nos interlocuteurs que le projet est illégal puisqu’aucune enquête commodo et incommodo, prévue par la loi, n’a été faite. Nous avons rappelé que le terrain destiné au projet est la propriété des habitants de la cité.
Le wali délégué nous a demandé de lui accorder un délai de 15 jours pour s’imprégner du dossier. Après 15 jours, nous avons été reçus par le chef de cabinet du wali délégué. Il nous a expliqué que le wali ne pouvait être là en raison des émeutes sur le logement qui se déroulaient dans plusieurs quartiers. Le chef de cabinet nous a demandé de repasser voir le wali dans trois jours.
A notre grand étonnement, avant même la fin du délai de trois jours, le 10 juillet, des ouvriers, sous une protection policière, sont venus pour couper les arbres afin de lancer les travaux. Les habitants de la cité ont protesté contre cette décision injuste. Des vielles pleuraient en voyant les arbres de leur cité rasés.
Immédiatement, le comité des sages s’est réunit. Première action, demander audience au président de l’APC pour lui faire part de la colère des habitants. Le maire a refusé de nous recevoir. Idem pour le wali délégué qui a refusé de nous rencontrer. Depuis, les habitants de la cité subissent une répression policière des plus féroces.
Mais selon le wali d’Alger, la construction du parking est un projet d’utilité publique…
Je tiens à préciser que la construction d’un parking n’est pas un projet d’utilité publique. Les projets d’utilité publique sont entre autres l’école, l’hôpital et les routes. Maintenant, si un parking est un projet d’utilité publique, les autorités doivent respecter la réglementation qui exige une enquête commodo et incommodo. Lors d’une réunion, le wali délégué s’est engagé à ouvrir une enquête. Mais depuis, rien n’est fait. Le même wali délégué affirme, plus tard, que le projet est d’utilité publique. Nous lui avons demandé de nous définir « l’utilité publique », il a répondu que cela le dépassait !
Depuis, nous avons tapé à toutes les portes, mais ni les autorités ni les élus n’ont bougé le petit doigt pour arrêter les travaux qui ont commencé illégalement. Outre l’enquête commodo et incommodo qui n’a pas été faite, il n’y a aucune plaque qui précise la nature du projet, le maître d’ouvrage, les délais de réalisation… Il n’y a pas eu de clôture du terrain, comme le stipule la réglementation. Pis, ce n’est que le 6 août, après avoir coupé tous les arbres et creusé trente mètres de profondeur, qu’on envoie une équipe pour faire l’étude de sol ! Il faut souligner que les deux immeubles de la cité Bois des pins sont classés « Orange 4 » par le CTC après le séisme de 2003. Vous voyez donc les risques qu’encourent les familles si les immeubles s’effondrent.
Vous dites que le terrain appartient aux habitants de la cité, mais le wali d’Alger affirme que le terrain est domanial.
Nous avons des documents qui attestent que le terrain est une partie commune. Ce n’est pas un jardin mitoyen mais un jardin commun aux habitants de la cité. Je rappelle que le wali d’Alger a signé une décision en 2007 rendant le terrain incessible. Aujourd’hui, il revient sur sa propre décision ! Le terrain n’appartient pas aux domaines ; il appartient aux habitants de la cité.
Par ailleurs, dans une déclaration à la presse, le wali d’Alger a affirmé que le projet est inscrit sous : « Parking Sidi Yahia ». Mais ici c’est Bois de pins et non pas Sidi Yahia. Il est vrai que le projet du parking était prévu à Sidi Yahia sur un terrain de l’ex SNIC. D’ailleurs, le terrain est toujours nu. On ne comprend pas alors les raisons du transfert du projet.
Certains disent que dans ce parking que réalisera l’entreprise algérienne Batijec, un grand centre commercial y est inclut.
Justement. C’est l’arbre qui cache la forêt parce qu’il n’y a pas qu’un parking. Il y a un immense centre commercial où il y a beaucoup d’intérêts. Les habitants sont convaincus que les autorités ont l’intention, dans trois ou quatre ans, de les « chasser » de leur cité. D’ailleurs, la capitale, durant les quinze dernières années, est vidée de ces habitants.
En tous les cas, les habitants de Bois des pins sont prêts à mourir pour défendre leurs biens et rester dans leur cité.
Maintenant concernant le choix de l’entreprise, je tiens à souligner que Batijec n’est plus une entreprise algérienne, puisqu’elle a été cédée à une entreprise privée belge.
La cité a connu de violents affrontements. Des policiers auraient même violé les domiciles le jeudi 4 août.
Les policiers sont venus vers 4h30 du matin. Ils ont saccagé des portes des maisons et violé des domiciles. Le porte-parole de notre association a été passé à tabac, il s’en sort avec 32 points de suture. Il a été ensuite mis en détention préventive.
Les policiers ont proféré des insultes et dit des grossièretés. Ils ont cassé « Lhorma » des familles. Ils disaient aux hommes : « Rentrez chez vous et faites sortir vos femmes. Nous allons organiser Zawadj El Mout’a (mariage de plaisance) ». C’est ça le langage d’un policier ?
Voyant ce degré de violence, je pense que les initiateurs du projet sont prêts à « éliminer » deux tiers de la population de la cité pour construire leur parking. Comment expliquer qu’avec une pétition de 4500 habitants contre le projet, les autorités continuent à faire la sourde oreille.
Y’a-t-il risque de dérapages ?
D’abord nous nous posons la question suivante : pourquoi mobiliser la police, qui est payée par l’argent du contribuable, pour veiller à la réalisation du parking ? Pourquoi Batijec, l’entreprise chargée du projet, ne s’attache pas les services d’une société de gardiennage ? On se demande vraiment qu’est-ce qui se cache derrière ce projet.
Depuis deux mois, notre cité est sous état de siège. Des policiers nous encerclent. Ils sont partout, sur les terrasses, au niveau des cages d’escaliers… Nous n’avons jamais vu un chantier sous une protection policière. D’ailleurs, même les topographes qui viennent pour travailler sont sous la protection de la police. Trouvez-vous normal qu’on implante un parking de douze étages au milieu de deux immeubles ? Un parking où deux étages seulement sont réservés aux véhicules alors que 10 autres seraient destinés pour le commerce ! Le parking sera construit à cinq mètres seulement des immeubles. Les habitants vont étouffer. Nous sommes convaincus que les initiateurs du projet ont un autre objectif : chasser les habitants pour s’accaparer du site.
in la Nation
par Chafaa Bouaiche
le 09-08-2011
Depuis plusieurs semaines les habitants d’une petite cité algéroise sont en conflit ouvert avec l’administration publique à cause d’un petit bois. Image réduite de la crise nationale, le conflit du bois des pins illustre la déliquescence des rapports entre institutions et citoyens. Entre les brutalités policières et la colère des citoyen il n’ya rien… que les pouvoirs publics reconnaissent. L’organisation en comité des sages, en comité de quartier et la collecte de signatures pour une pétition défendant le point de vue des citoyens ne change rien au mépris dans lequel les pouvoirs publics tiennent une population avec laquelle le seul langage qu’ils connaissent est celui de la matraque. Aucune urgence nationale ne peut justifier que l’on rompt le dialogue avec des citoyens organisés. Et cette histoire de parking ne peut pas être présentée comme une urgence nationale. Il semble bien que les pouvoirs publics aient décidé de jouer l’épreuve de force. Un exercice périlleux sur un baril de poudre. L’APC, La Wilaya et la Direction des forêts au sein du ministère de l’Agriculture ont des responsables qu’on n’a pas assez ou pas du tout entendus dans cette affaire. On ne les a surtout pas vus s’employer à désamorcer la crise et c’est d’abord par ce biais- là que le petit bois prend sa place dans la jungle de la crise nationale.
Le terrain en litige est-il la propriété des domaines ou des habitants ?
D’après les documents en ma possession, le terrain est une partie commune. Il appartient aux habitants de la cité Bois de pins depuis la période coloniale. Dans les actes de propriété des appartements, le jardin est inclut dans la partie commune.
A cet effet, nous avons introduit une affaire en référé administratif pour obtenir l’arrêt des travaux du projet de construction d’un parking.
Quelle est la position de l’APC et de la direction des forêts concernant la situation juridique du terrain ?
L’Assemblée populaire communale de Hydra et la direction des forêts de la wilaya d’Alger s’en lavent les mains. Le maire nous a expliqué que ses services n’ont aucune relation avec le terrain en question. La direction des forêts affirme que le terrain est la propriété de la wilaya ! Je ne sais pas comment tous ces arbres coupés n’appartiennent pas à la direction des forêts ? Pour sa part, la wilaya d’Alger affirme que le terrain est domanial, et qu’il servira pour un projet d’utilité publique.
Croyez-vous que la construction du parking est un projet d’utilité publique ?
Le projet n’a rien d’utilité publique. La décision de la wilaya de construire ce parking relève de la pure violation de la loi. Il n’y a aucune enquête commodo et incommodo. Il n’y a aucune plaque annonçant la nature du projet ni les délais de réalisation ni le nom de l’entreprise réalisatrice.
Les familles de Bois des pins ont été réprimées par la police. Que comptez-vous faire contre ces agissements ?
Nous avons déposé plainte contre le ministère de l’Intérieur et des collectivités locales qui répondra devant la justice quant aux agissements des services de l’ordre qui ont réprimés violemment les habitants de la cité. Il y a quelques jours, le porte-parole de l’association de la cité Bois des pins, Mehani Abdelghani a été violemment frappé par la police au niveau de la cité. Il s’en est sorti avec 32 points de suture et une détention préventive au niveau du commissariat central. Aujourd’hui (7 août 2011) j’ai demandé au procureur près le tribunal de Said Hamdine à Alger de désigner un médecin qui l’examinera. Après cela, on pourra déposer plainte contre les policiers auteurs de l’acte répressif.
Par ailleurs, 13 jeunes de la cité seront jugés le 6 octobre prochain pour les chefs d’inculpation de « violence contre la police », « attroupements »…
par Chafaa Bouaiche
le 07-08-2011